Les baleines ont été longtemps chassées et surexploitées dans le monde. En plus de l’urbanisation et du réchauffement de la planète, cette pratique a fragilisé certaines populations. On compterait aujourd’hui une quinzaine d’espèces de baleines en danger. La chasse menée aujourd’hui par le Japon met-elle la biodiversité marine en danger ?
Ces dernières années, le Japon chasse quatre espèces de baleines : baleines de Minke (Balaenoptera acutorostrata), en grande majorité, puis rorquals de Rudolphi (Balaenoptera borealis), baleines à nageoires (Balaenoptera physalus) et baleines à bosse (Megaptera novaeangliae). La liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) indique, en s’appuyant sur des données jugées suffisantes, une préoccupation mineure pour les baleines de Minke et les baleines à bosse, mais un risque très élevé d’extinction pour les rorquals de Rudolphi et les baleines à nageoires. Pour cette dernière espèce, l’ONG précise que la population a décliné dans l’hémisphère sud, mais pourrait avoir augmenté dans l’Atlantique Nord.
Or le Japon s’appuie sur les chiffres obtenus grâce aux recherches japonaises. Il existe un consensus international s’agissant des baleines de Minke : elles sont abondantes et ne sont pas menacées. Selon les scientifiques japonais, elles seraient entre 380 000 et 710 000 dans l’océan Antarctique. Mais ils indiquent que la population des grandes baleines, telles que les baleines à nageoire et les baleines à bosse, augmente aujourd’hui de 10 à 15 % chaque année. « Nous ne chassons en revanche pas les baleines bleues, par exemple, qui sont une espèce en danger », précise Masayuki Komatsu, en poste à l’Agence des industries de la pêche jusqu’en 2008.
Se pose donc ici le problème des données scientifiques et de leur interprétation. Il est par ailleurs évident que le recensement exact du nombre de baleines est difficile. À ce propos des campagnes sont actuellement menées afin d’estimer plus efficacement le nombre de baleines au moyen de nouvelles techniques. Il reste que le Japon a capturé 18 baleines à nageoires depuis 2000, soit bien moins que le Danemark (139) et l’Islande (414) – la CBI accordant un permis de chasse au Danemark pour la subsistance des populations du Groenland.
Ces quinze dernières années, dix nations ont capturé des baleines (Canada, Corée du Sud, Danemark, États-Unis, Islande, Japon, Norvège, Russie, Saint Vincent et Grenadines). Selon les chiffres publiés par la CBI, 23 745 baleines ont été chassées de 2000 à 2013. Les principaux pays baleiniers sont le Japon (40,5 %), la Norvège (32,5 %), le Danemark (11 %) et l’Islande (4 %). Sur la même période, trois pays ont capturé une ou deux espèces en danger selon les critères de l’IUCN : 571 baleines à nageoires ont été chassés par l’Islande (72,5 %), le Danemark (24,5 %) et le Japon (3 %) ; 1 090 rorquals de Rudolphi (Balaenoptera borealis) ont été capturés par le Japon (99,9 %) et l’Islande (0,1 %). Au total, le Japon (66,5 %) est le principal chasseur d’espèces protégées, suivi par l’Islande (25 %) et la Norvège (8,5 %), le premier justifiant ces prises pour les besoins de la science contrairement aux deux autres.
« Figurer sur la liste des espèces en danger est une chose, mais être réellement en danger actuellement en est une autre », commente Masayuki Komatsu. « Les stocks de rorquals de Rudolphi dans le Pacifique Nord sont robustes », poursuit-il. Jean-Pierre Sylvestre aborde cette question dans son ouvrage Si le chant des baleines s’éteignait (Albin Michel, 2014). Ce photoreporter animalier et journaliste scientifique indique une population d’« environ 9 100 individus, chiffre contesté par les Japonais qui estiment sa population autour de 28 000 têtes ». Il finit plus loin par poser une question sans réponse : les cétologues japonais pourraient gonfler les estimations pour justifier leurs campagnes de chasse.
Le Japon, victime d’une surmédiatisation ?
De 2000 à 2013, en prenant en compte les quatre plus importants pays chasseurs de baleines, le Japon
(56 %) est principalement associé au mot-clé « baleine » dans les dépêches de l’Agence France Presse, suivi de loin par l’Islande (21 %), la Norvège (19,5 %) et le Danemark (4 %). Dans le quotidien Le Monde et sur son site internet, parmi les titres d’articles – dont la fonction est d’attirer l’attention et de délivrer un message – associant le nom d’un des pays et le terme « baleine », l’Archipel est très largement représenté (68,5 %), suivi de loin par l’Islande (11,5 %), la Norvège (3 %) et le Danemark (3 %). Par ailleurs, les informations sur la chasse à la baleine diffusées sur le site internet de Sea Shepherd dénoncent très majoritairement les activités des baleiniers japonais.
Le Japon semble donc faire, dans certains médias francophones, figure de bouc émissaire, ce qui risquerait finalement de rendre les autorités et une partie de la population plus virulentes et de freiner toute avancée réellement positive. La mobilisation de tous pour la protection de l’environnement, et de la biodiversité marine en particulier, est indispensable, mais il reste à trouver une voie, diplomatique et ouverte, plus efficace.
Si déjà ils pouvaient consommer la viande de baleine qu’ils chassent (les minke et bosse surtout) au lieu du thon rouge, dont les stocks sont préoccupants.
et puis la viande, ce n’est pas indispensable à chaque repas.
Bonjour Thomas, merci de votre commentaire. Le thon rouge est effectivement un autre point sur le Japon que nous aurons probablement l’occasion de le traiter dans l’un de nouveau article abonné !