En douze tomes, la série de manga Death Note a étendu son emprise sur les adolescents de la planète (21 millions d’exemplaires au Japon, 400 000 en France selon l’éditeur local, Kana). Comment pourrait-il en aller autrement puisque le héros est un lycéen qui trouve un jour un cahier égaré par une divinité de la mort ? Si l’on y écrit le nom complet d’une personne que l’on a déjà vue, celle-ci meurt d’un arrêt cardiaque (du genre de ceux qui font se tordre de douleur et grimacer). Un produit idéal pour tous les clients de l’enseignement secondaire.
Le manga du dessinateur Takeshi Obata et du mystérieux scénariste Tsugumi Ohba fait tomber ce cahier entre les mains de Light, fils de policier destiné à la magistrature, révolté par l’impunité dont jouissent au Japon les criminels de toutes obédiences. En plus de cet instrument, Light gagne la compagnie du dieu de la mort qui en était le propriétaire, une créature grimaçante qui évoque certains musiciens britanniques de la fin des années 1970.
Le succès colossal de Death Note a entraîné son adaptation au cinéma. La même équipe a réalisé en deux longs métrages en prises de vues réelles qui sortent simultanément en salles (le premier est dès aujourd’hui disponible en DVD), après avoir été distribués à cinq mois d’intervalle en 2006 au Japon. Ils avaient alors occupé la première place au box-office. L’occasion de voir en salles des films sur lesquels les Japonais se sont précipités en masse est assez rare pour que la sortie française de Death Note éveille l’intérêt.
Ces deux films n’en font qu’un, et les distinguer dans la critique équivaudrait à faire de chaque épisode des Vampires, de Feuillade, un film à part entière. De fait, le plaisir que procure la vision de ce long récit qui met aux prises Light, le criminel, et L, l’adolescent détective, est inscrit au tableau des stupéfiants dans la même catégorie que les grands feuilletons criminels. Les rebondissements sont abracadabrants, les personnages – mis à part les deux principaux – tombent comme des mouches, le récit est ponctué de figures et de gestes récurrents qui contribuent à une inquiétante familiarité dans laquelle il fait bon se plonger.
A cette jouissance immédiate, il faut ajouter l’exotisme japonais. Light et L incarnent deux types d’adolescents qu’opposent souvent les mangas : le brillant sujet et l’otaku, enfant sinistre à la limite de l’autisme dont il faut deviner la beauté et l’intelligence sous l’anomie. Il y a aussi les dieux de la mort surgis d’un passé ancestral, les procédés de la police japonaise qui feraient aimer bien d’autres forces de l’ordre. Le tout est mis en scène avec une efficacité télévisuelle bienvenue – elle pourrait presque passer pour de la sobriété.
Films japonais de Shusuke Kaneko avec Tatsuya Fujiwara, Kenichi Matsuyama. (2 h 06 et 2 h 20.)
Thomas Sotinel
Lemonde.fr