Tokyo (AWP/AFX) – Le gouverneur de la Banque du Japon (BoJ) a reconnu mardi que la chute de la Bourse pourrait nuire à la santé économique du pays, alors que le spectre d’un sérieux ralentissement, voire d’une récession, commence à hanter les esprits dans la deuxième économie mondiale.
« La chute des actions peut avoir en soi un impact négatif (…) sur le moral des entrepreneurs et sur le moral des consommateurs. Nous voulons donc être attentifs à cela », a déclaré le gouverneur de la BoJ, Toshihiko Fukui.
L’indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a chuté de près de 18% depuis le début de l’année, plombé notamment par les craintes de ralentissement économique aux Etats-Unis et par le net redressement du yen face au dollar, deux facteurs susceptibles de nuire gravement au commerce extérieur nippon.
La crise financière mondiale actuelle est survenue au pire moment pour le Japon, alors que le gouvernement venait déjà de revoir en forte baisse ses prévisions de croissance en raison d’une chute de l’investissement immobilier, due à une nouvelle réglementation draconienne sur la construction.
Le gouvernement a ainsi réduit à +1,3% son estimation de croissance pour l’année 2007-2008, qui s’achève fin mars, contre +2,1% auparavant.
M. Fukui a précisé mardi que, malgré la tourmente financière actuelle et son impact potentiel, il continuait à croire que « le cercle vertueux de croissance de la production, des revenus et des dépenses reste intact » au Japon.
Le Premier ministre, Yasuo Fukuda, a lui aussi lancé un appel au calme. « Bien qu’il y ait quelques faiblesses, j’estime que l’économie de notre pays poursuit sa reprise, le secteur privé pouvant s’appuyer sur la solidité des exportations et de la production », a-t-il affirmé à la Chambre des députés.
Mais rares sont les économistes qui partagent son optimisme.
Aux retombées de la crise des crédits immobiliers à risque aux Etats-Unis (« subprime ») s’ajoutent en effet les prix élevés du pétrole, ainsi qu’une situation de quasi-blocage politique dans l’Archipel qui paralyse toute réforme structurelle.
« La croissance japonaise va probablement trébucher au premier trimestre 2008 », estime Glenn Maguire, économiste en chef pour l’Asie à la Société générale, qui évalue à 72% la probabilité d’une récession cette année.
« La croissance dépend de la demande extérieure, et on craint une détérioration du commerce extérieur à cause du ralentissement de la demande aux Etats-Unis combiné à une appréciation du yen », explique-t-il.
A cette accumulation de problèmes s’ajoute le manque de solutions pour y répondre. Avec des taux d’intérêt de seulement 0,50%, la marge de manoeuvre est minime pour la politique monétaire. Et le gouvernement, affaibli politiquement après avoir perdu le contrôle du Sénat en juillet et croulant toujours sous un énorme déficit public, semble peu en mesure de passer à l’action.
« Les marchés sont en train d’entrer dans une situation qui requiert d’une façon ou d’une autre une action politique. On peut dire que le marché a cessé de refléter les fondamentaux pour entrer dans une phase de panique », analysent dans une note les économistes de Barclays Capital à Tokyo.
« Mais dans le cas du Japon, la réalité est qu’il n’y a virtuellement aucun moyen d’y faire face en termes de politique macroéconomique », constatent-ils.
Pour Toshihiro Matsuno, analyste chez SMBC Friend Securities, le plongeon des marchés japonais s’explique « par un effet boule de neige de ventes, par la crainte que les problèmes des marchés financiers américains se répandent dans toute l’économie et, finalement, par l’incapacité des autorités japonaises à faire quoi que ce soit contre cela ».
« La stabilité doit venir des marchés américains. Le Japon ne peut, ou ne veut, pas faire grand chose », soutient-il.
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