ENVIRONNEMENT. Le gouvernement de Tokyo veut proposer à la Chine et au reste de l’Extrême-Orient ses technologies propres. Un effort écologique. Et une manne financière.
Fujio Mitarai est devenu le meilleur allié japonais d’Al Gore. Le président du Keidanren, le puissant patronat, accole désormais l’objectif écologique aux visées industrielles de l’Archipel. A la veille du sommet du G8 de Toyako, dans l’île préservée d’Hokkaido, ce proche du premier ministre Yasuo Fukuda s’est même fendu d’une tribune dans Time intitulée « Comment refroidir la planète ». Avec ce sous-titre : « Le Japon a la technologie et la volonté de diminuer ses émissions polluantes. Le monde doit en prendre note. »
Révolution ? « Non, réalisme et opportunisme », reconnaît Masami Hasegawa, le monsieur environnement du Keidanren. Car l’équation est simple. Redevenue atone ou presque, avec 1% de croissance envisagée pour 2008 – contre 2,1% en 2007 -, l’économie nipponne, dont le marché intérieur est saturé et structurellement déprimé, doit doper ses exportations. Or l’une de ses forces, en ces temps de lutte contre le réchauffement climatique, est son avance en matière de technologies plus respectueuses de l’environnement.
Un grand virage, réduire le gaz carbonique
Les voitures hybrides japonaises sont parmi les plus performantes, grâce aux efforts conjoints des deux géants Toyota et Honda. La sidérurgie a elle aussi pris le grand virage vert : le conglomérat Nippon Steel, premier producteur d’acier japonais, a développé une technologie pionnière de nettoyage du charbon. Et des études, citées par Fujio Mitarai dans Time, montrent que si la production d’acier mondiale respectait les standards japonais, la réduction consécutive d’émissions de CO2 équivaudrait à la pollution atmosphérique annuelle générée par l’Archipel.
Le reste est affaire de statistiques. L’Asie orientale et l’Inde, poumons de la mondialisation, comptent parmi les régions les plus polluées du globe. D’où la vision d’un Japon essaimeur de technologies « vertes » à travers la région. Quitte à amorcer la pompe par des crédits publics.
Depuis 1999, les autorités de Tokyo ont accordé près de 7 milliards de dollars de prêts à la Chine pour financer des projets industriels « propres ». Plusieurs déchetteries de métropoles chinoises sont gérées par des entreprises japonaises de recyclage. Le développement de la capacité nucléaire chinoise – qui sera multipliée par six d’ici à 2020 – voit aussi le Japon y prendre une large part. Le groupe Toshiba a signé pour quatre réacteurs de dernière génération sur le continent. A trois milliards de dollars l’unité.
Aider l’Asie
« Nous pouvons aider l’Asie à opter pour une économie faible en carbone », affirme Ichiro Kamoshita, le ministre nippon de l’Environnement. Soit un objectif politique majeur pour la deuxième puissance économique du monde, dont les relations avec l’Asie-Pacifique restent minées par le poids du passé.
Pays hôte du Protocole de Kyoto dont le remplacement, après son expiration en 2012, a fait l’objet d’âpres débats au dernier G8, le pays du Soleil-Levant mise aussi sur l’effet vitrine. Actuellement, le Japon est en tête des pays industrialisés pour ses efforts de réduction d’émissions, même s’il reste en retard sur les objectifs de Kyoto. Pour les respecter, l’archipel devra émettre en 2012 6% de carbone en moins qu’en 1990. Or il en émet aujourd’hui 7% de plus.
Symbole de collaboration
A ses voisins asiatiques, le Japon propose en outre une stratégie : miser sur une réduction sectorielle des émissions polluantes, plutôt que sur des cibles nationales. Ce afin de concentrer l’investissement dans les secteurs industriels clefs. Les autorités de Pékin ont compris le message. Lors de sa visite réussie à Tokyo, en mai, le président chinois Hu Jintao a ainsi affirmé que la protection de l’environnement « doit être le nouveau symbole de la coopération économique » entre les deux pays.
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