Le gouvernement envisage une forte hausse des prix des cigarettes et un relèvement de la TVA.
De notre envoyé spécial à Tokyo
Après avoir décidé, début juillet, que les distributeurs automatiques de cigarettes ne délivreraient plus de paquets aux mineurs, le Japon envisage de tripler les prix du tabac pour payer les dépenses de sécurité sociale et les retraites du pays. Le paquet passerait de moins de 2 euros à plus de 6 euros. La méthode peut paraître radicale, mais le gouvernement doit trouver de l’argent à n’importe quel prix. C’est pourquoi il envisage également de faire passer la TVA de 5 % à 18 %. Une mesure qu’il sait impopulaire et qu’il prendrait en deux étapes, avec une première hausse à 10 % seulement.
L’archipel ne peut simplement plus financer le vieillissement de sa population. Un quart de ses habitants a plus de 65 ans. Ce chiffre devrait augmenter de plus de 50 % d’ici à 2050. Pour en limiter l’impact économique, l’État doit faire travailler les Japonais plus longtemps. Aujourd’hui 83 % des hommes entre 55 et 64 ans ont un emploi, de même que 29 % des plus de 65 ans. Mais pour ces derniers, il est précaire et mal payé. « Je suis extrêmement pessimiste et il faut absolument remettre le système à plat », avertit Tsukasa Ohbayashi, éditorialiste au Nikkei, qui vient de remettre un rapport sur le sujet au gouvernement.
Actuellement, l’assurance-vieillesse est assurée par un mécanisme à trois niveaux. Le premier, obligatoire, concerne l’ensemble de la population, mais n’assure qu’une pension mensuelle de 410 euros. Le deuxième est réservé aux salariés à durée indéterminée et varie en fonction des rémunérations. Les prestations tournent autour de 1 000 euros par mois. Le troisième, facultatif, fait appel aux mutuelles privées. Mais où le bât blesse, souligne Tsukasa Ohbayashi, c’est que « près de 40 % des Japonais n’acquittent pas leurs cotisations, soit parce qu’ils n’en ont pas les moyens, soit parce qu’ils n’ont pas confiance dans le système ».
Épargner plutôt que cotiser
Les working poors, les travailleurs précaires, sont les premiers à ne pas payer. Or ils représentent 30 % de la population active. On les trouve majoritairement parmi les seniors et les jeunes de moins de 34 ans. Ils ont pris l’habitude de ne pas rentrer chez eux et de dormir la nuit dans des « manga kissa », des cafés Internet où l’on peut louer un box à l’heure. « 5 heures, 1 050 yens, 10 heures 1 980 yens » (6,3 et 11,70 euros), affiche le Media Café Popeye du quartier d’Ikeburo à Tokyo. C’est beaucoup moins cher qu’un hôtel. On peut s’y restaurer sommairement et s’y laver. Les boissons sont gratuites. Chaque box comporte un ordinateur, une télévision et une console de jeux.
Mais ils sont nombreux aussi parmi les professions libérales à ne rien verser pour leur retraite. « Ils ont de l’argent, mais ils préfèrent épargner plutôt que payer à des organismes privés des cotisations très chères dès que l’on veut être correctement couvert, explique un cadre japonais qui travaille à Tokyo. Ils placent la moitié de leurs économies sur un compte de dépôt qui ne leur rapporte rien, 30 % dans des fonds de pension privés et le reste en Bourse, mais ils ont généralement peur du risque qu’elle représente. »
En 2004, le gouvernement a adopté une réforme qui prévoit notamment un relèvement du taux des cotisations de retraite partagées entre l’employeur et le salarié pour le porter à 18,3 %, en 2017 contre 13,6 % auparavant et une hausse de la part de l’État dans la prise en charge de la couverture de base. Il souhaite aussi fusionner en 2010 le régime des fonctionnaires avec le régime des salariés du secteur privé. Il a en outre décidé de porter l’âge minimum légal de la retraite de 63 ans aujourd’hui à 65 ans en 2013. Mais en attendant, les sanctions étant minimes à l’encontre de ceux qui ne versent pas la cotisation de base obligatoire, l’argent de rentre pas dans les caisses de l’État.
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