La dernière fois, je vous ai présenté un poème du Hyakunin Isshu, célèbre recueil japonais. Je vais évoquer aujourd’hui un élément important de la tradition poétique sino-japonaise, le saké.

sake

Même si l’alcool occupe peut-être plus de place dans la poésie chinoise que dans la poésie japonaise, on imagine volontiers un haijin contemplant la lune et composant quelques vers, une coupe à la main. Avant de revenir à la poésie, je vous propose un petit détour par l’étymologie.

Étymologie

Le kanji 酒 (さけ、シュ) désigne non seulement l’alcool de riz que nous appelons saké (que les japonais nomment nihonshu (日本酒)), mais aussi tout type d’alcool. Il se compose du radical de l’eau 氵et du pictogramme 酉 qui représente à l’origine une amphore. On a donc l’image d’une amphore débordant d’alcool. Le caractère 酉 (ユウ、とり) a évolué et en est venu à désigner aussi le 10e signe du zodiaque (le coq). Il sert de composant ou de radical dans près d’une centaine de kanji. En tant que radical, on le nomme ひよみのとり (avec le sens de l’oiseau du zodiaque, pour le distinguer du radical 鳥、oiseau) ou さけのとり. Les kanji dont il est le radical ont souvent trait à l’alcool ou à la fermentation : 酵 (コウ, ferment)、酌 (く(む)、servir à boire)、酔 (よ(う)、se saouler)、酢(す, vinaigre), 醤 (le ショウ de 醤油、しょうゆ, la sauce soja, qu’on retrouve dans d’autres sauces, avec l’idée d’ingrédients marinés), etc.
Il y a d’autres kanji pour lesquels ce sens d’alcool a plus ou moins disparu. Ainsi, dans 酷(ひど(い)、affreux), le lien avec l’alcool est assez lointain (le kanji sert aussi à dire qu’un alcool est fort, mais est peu employé dans ce sens). Même chose pour un autre kanji courant, 配 (くば(る)、distribuer, répartir.

Les ustensiles dédiés au saké

Je ne suis pas vraiment amateur de saké (ni d’alcool en général), ne comptez donc pas sur moi pour vous indiquer les meilleurs crus. Je peux en revanche donner quelques explications sur les ustensiles liés au saké. On voit fréquemment dans les 時代劇 (drames historiques), notamment dans les アニメ, un rônin amateur de saké qui agite une petite fiole vide pour demander au patron d’en ramener une pleine. La petite fiole se nomme tokkuri (徳利), le dessous de bouteille sur lequel elle repose s’appelle hakama (comme le pantalon, c’est d’ailleurs le même kanji 袴) et la minuscule coupe dans laquelle on boit est le choko (お猪口). Le saké ainsi servi est tiède. Il peut aussi être servi froid dans de petites boîtes carrées appelées ます (on pose du sel sur l’un des coins). Enfin, pour les cérémonies, on utilise des tonneaux de saké entourés de natte de paille, appelés komokaburi (薦被り). Lors de la cérémonie de kagami-biraki, ils sont brisés avec un maillet, et l’alcool est servi à la louche.

****

Pour finir, je vous laisse apprécier quelques vers extraits d’un autre recueil célèbre, le 万葉集 (man’yoshu). Ils sont signés Ōtomo no Tabito et sont traduits par Hisayoshi Nagashima

験無 物乎不念者 一坏乃 濁酒乎 可飲有良師
(Plutôt que de penser  À une chose chagrine Bois une coupe de saké Même peu raffiné!)

それでは、また、お楽しみに。

Écrit par Élisabeth de Sukinanihongo

Article précédentConférence à Toulouse : Trois ans avec « Fukushima »
Article suivantConcours : Le peintre aux éditions nobi nobi!

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.