Le Japon est connu pour être un pays dans lequel les services pour palier à la solitude de la population se multiplient. Pourtant, certains procédés sont tout de même plus avenants que d’autres.
Qu’est-ce que l’enjo kôsai ?
L’expression enjo kôsai signifie « relation avec support ». Le principe est, qu’en échange d’une rétribution, souvent pécuniaire, des jeunes femmes « tiennent compagnie » à leur client. Le degré des relations entretenues dépend de la somme d’argent avancée. Si les dispositifs ne prévoyaient au départ que de simples discussions (auquel cas, on parle plutôt de sharei kôsai) ou de marcher ensemble pendant un temps donné, la pratique s’est vue détournée et il est devenu possible d’obtenir des rapports sexuels. Si les premiers ne semblent pas bien graves, nombreuses sont les jeunes filles qui, attirées par l’appât du gain, se retrouvent bien vite impliquées dans le dernier cas. Toutes les filles concernées ne font pas ça pour l’argent. Certaines préfèrent qu’on les invite à dîner dans un endroit chic, ou qu’on leur offre des « cadeaux », comme des chaussures ou des sacs.
Mais derrière ce terme se cache une réalité effarante pour nous européens : celle du marché du corps de mineures. En effet, nombreuses sont les écolières à pratiquer l’enjo kôsai. Et le terme d’écolière est ici de mise car toutes ne sont pas encore lycéennes. À ces jeunes filles s’ajoutent des femmes dont l’âge monte parfois jusqu’à 35 ans. On compte même des femmes au foyer ou des jeunes filles ayant déjà un petit ami. Face à elles, des étudiants, des pères de familles, des célibataires… cette pratique pourrait presque s’être généralisée. Elle est tellement répandue, que les Nations Unies, suite à une enquête, ont laissé entendre qu’au moins 13% des lycéennes l’auraient déjà pratiqué, chiffre cependant démenti par le Gouvernement japonais.
Comment ce système fonctionne-t-il ?
Le système a pris son essor dans les années 80 et s’est grandement développé dans les années 90. Les jeunes filles intéressées se trouvaient alors recrutées par le biais d’annonces placardées, souvent aux alentours des écoles. Ensuite ces filles s’inscrivaient sur des plate-formes, appelées telekura (l’abréviation pour « téléphone club »), qui les mettent en relation avec les clients. Les clients qui appellaient ces plate-formes et se voyaient communiquer le numéro d’une jeune fille disponible. À la suite d’un court entretien, le rendez-vous était organisé, ou non. De nos jours, le contact se fait via internet, mais le système est sensiblement le même. Un autre mode de mise en relation connu existe. Le téléphone club prend alors l’apparence d’un café qui propose généralement de dîner, et de discuter avec une des filles qui y travaille comme serveuse (et parfois de l’« emmener en balade »). En cas de rapport sexuel, les rémunérations peuvent grimper jusqu’à environ 500€ pour un rendez-vous de quelques heures.
Mais ces rapports sexuels s’accompagnent également d’un risque. Car la problématique des maladies sexuellement transmissibles vient s’ajouter. En dix ans, au Japon, les cas de syphilis ont été multipliés par sept avec 4259 cas répertoriés début décembre pour l’année 2016 (contre 2412 cas en 2015). Ceci est dû au manque de protection dont fait preuve une partie de la population, dont beaucoup de jeunes. Les campagnes de sensibilisations ne semblent pas avoir un gros impact sur la population.
Qu’en pensent les japonais ?
Bien sûr, la prostitution est illégale au Japon, et depuis 1999, avoir un rapport sexuel tarifé avec une personne de moins de 18 ans (rappelons que la majorité officielle est à 20 ans)
est punissable par la loi. Mais du point de vue du Gouvernement et de l’opinion publique, ce sont ces filles qui sont en faute, et il est très rare que ceux faisant appel à ce service d’enjo kôsai soient inquiétés et mis en cause. De plus, l’enjo kôsai ne rentre pas dans la définition de la prostitution, qui n’est souvent considéré que comme une dérive, et le Gouvernement ne l’a pas réglementé.
Les filles qui travaillent dans cette industrie le font généralement en secret. Leurs parents ne se doutent de rien, leur vigilance endormie par un beau mensonge. De plus, elles n’ont pas non plus intérêt à ce qu’une rumeur courre sur elles dans leur école, où elles risqueraient d’être violemment moquées. Cependant, quelque soit le niveau d’implication avec les clients, la plupart des jeunes filles concernées considèrent que ce genre de pratiques n’a rien de grave, et même celles qui ont des rapports sexuels minimisent la gravité de leur situation et affirment que ce n’est « que du sexe ». Dans les enquêtes demandant les raisons de leur participation, les réponses qui reviennent le plus souvent se trouvent être « parce que c’est excitant », « pour obtenir de l’affection d’un homme », « parce que tout le monde le fait », ou encore « parce qu’il est facile de se faire de l’argent ». Toujours est-il que l’on trouve de plus en plus d’associations dénonçant l’enjo kôsai.