Tôkyô abrite le plus grand marché aux poissons du monde, le marché aux poissons de Tsukiji. Situé à cet emplacement depuis 1935, c’est un site touristique incontournable. Chaque jour, de grosses transactions y sont effectuées. On y trouve également plus de 450 espèces de poisson et fruits de mer, et le marché abrite aussi des étales de fruits et légumes. Avec un chiffre d’affaire d’environ 600 milliards de yens par an, ce marché approvisionne non seulement l’Asie, mais également les États-Unis et l’Europe…
C’est en 2001 que Tôkyô décide de procéder au déménagement du marché un peu plus au sud, dans le quartier de Toyosu sur la baie de Tôkyô. Mais la même année, Tokyo Gas, le propriétaire du terrain prévu pour la construction annonce que celui-ci est pollué. En effet, une usine de production de gaz occupait auparavant l’endroit. Utilisant de nombreux produits toxiques, rien n’avait été nettoyé à l’arrêt de l’usine. En 2007, on y mesure, entre autres, du benzène en concentration 43 000 fois plus élevée que la normale, et du cyanure en dose 860 fois plus élevée. Cependant, le Gouverneur de Tôkyô de l’époque, Shintarô Ishihara, déclare que le bâtiment de Tsukiji est insalubre et non-adapté en cas de tremblement de terre car trop vieux, et la transaction est opérée en 2011. Toutefois, le terrain est cédé au prix fort, et le Gouvernement devra encore débourser près de la moitié du prix du terrain pour le nettoyer… une chose que les citoyens ont du mal à comprendre.
Un ensemble de nouveaux bâtiments sont finalement édifiés. Ces bâtiments à l’aspect moderne paraissent plus appropriés à l’accueil de touristes qu’à l’activité commerciale, avant que l’on ne découvre que le sol censé protéger des contaminations éventuelles n’avait, pour quelque raison, pas été construit. Il avait en effet été décidé qu’il soit remplacé sur une épaisseur de deux mètres, sur laquelle devaient être ajoutée une rehausse de deux mètres et demi d’épaisseur. Le Gouvernement décide donc de faire nettoyer l’endroit de fond en comble. Le déménagement était prévu en 2014 afin de construire un passage sous-terrain reliant au village olympique pour les Jeux Olympiques de 2020, mais à l’époque, le projet avait rencontré de vives protestations de la part des marchands.
Nouveau rebondissement; à la suite d’élections, Yuriko Koike,
ancienne Ministre de l’écologie et opposée à ce projet de relocalisation est élue Gouverneure de Tôkyô en juillet 2016. Trois mois plus tard, après avoir vu les résultats d’une enquête sur les eaux de la zone, elle annule la relocalisation imminente et la repousse, estimant qu’une seconde enquête serait nécessaire afin de savoir si les conditions avaient évolué et permettaient la relocalisation. Cependant, en mars, les conditions étant encore insatisfaisantes, Mme Koike ne valide pas le changement de local. Il paraît dès lors assez improbable que l’infrastructure prévue en remplacement du marché puisse être construite pour 2020. À noter que cette décision est contestée par certains scientifiques qui estiment que le niveau est suffisamment bas pour que des affaires puissent y être faites, du moment que l’eau souterraine n’est pas utilisée.
Et puis il y a quelques semaines, des échantillons sont prélevés sur le site actuel du marché de Tsukiji car on soupçonne un ancien pressing d’être responsable de pollution. Environ un quart des échantillons prélevés contiennent des produits nocifs en quantité supérieure aux standards habituels. Le problème n’est cependant pas aussi critique que sur le site de Toyosu puisque dans le pire des cas, la dose est 4,3 fois supérieure à la réglementation, et les scientifiques estiment que cette dose ne met personne en danger. Une autre recherche a été lancée sur le site.
Le comité mis en place pour examiner la question de la relocalisation du marché vient de conclure ce 5 juin qu’il serait plus intéressant de décontaminer et reconstruire le marché à son emplacement actuel. La question de la durée (et donc du coût) de la reconstruction est encore en discussion, mais cela pourrait prendre entre trois ans et demi et quinze ans selon les scénarios envisagés (et entre 87,8 et 138,8 milliards de yens).
D’un autre coté, les marchands s’organisent également. On a appris en janvier que près de 9 milliards de yens pourraient leur être versés en dédommagement de l’annulation du changement de local. De plus, ils ont fait une pétition pour que le déménagement soit annulé. Très peu d’entre eux se montrent prêts à vendre des biens alimentaire dans un endroit qui présente de gros risques sanitaires. La pétition, recueillant les signatures des vendeurs de poissons au gros, a obtenu 393 signatures pour 553 marchands, ce qui représente déjà 70%. La prochaine étape est d’y ajouter celle des autres marchands de Tsukiji. Beaucoup pensent également que ce serait une perte culturelle que de raser ce marché qui fait partie de l’histoire de la ville. En outre, le quartier se mobilise aussi car délocaliser le marché signifierait perdre toute une clientèle importante pour les commerces alentours et serait donc un coup dur.