Si vous connaissez un peu l’histoire du manga, le nom d’Osamu Tezuka ne vous échappera pas. Oui, effectivement, c’est un géant, une grande figure du manga japonais, mais ce serait injuste d’attribuer à lui seul toute l’origine de ce genre narratif graphique.
Le manga existait déjà avant lui et Tezuka n’en est qu’un héritier, bien que ce dernier soit novateur au niveau de la technique du dessin à cause de son manque d’éducation en peinture, domaine étudié par les autres dessinateurs de l’époque.
De toute manière, pour situer Tezuka dans l’histoire de manga, il faut connaître la situation du manga japonais avant la seconde guerre mondiale. Certes, le situer dans l’histoire du manga est déjà une tentative de relativiser ce grand dessinateur qui a été un peu trop mystifié par la critique jusqu’aux années 80.
L’apparition de cet auteur juste après la guerre a été décisive pour que le story-manga (manga d’une longue histoire qui dure plusieurs tomes) s’impose dans le domaine du manga japonais. Grâce à Tezuka et à ses œuvres, ce qui était dominant jusqu’alors comme, par exemple, l’illustration caricaturale satirique ou le yon-koma manga (manga à quatre cases) dans les journaux, s’est éclipsé. Aujourd’hui le mot manga est utilisé dans le sens de story-manga (One Piece, Naruto, etc), mais nous n’allons quand même pas considérer qu’avant Tezuka il n’y avait rien à tirer du manga japonais.
Donc, maintenant nous allons oublier Tezuka un petit moment et remonter un peu dans le temps, jusqu’à la fin XIXe siècle. Rakuten Kitazawa (1876-1955) est considéré comme le premier manga-ka (auteur de manga). Il a appris la peinture et l’estampe avant de devenir illustrateur dans une revue « Box of Curious » publiée alors à Yokohama, une des concessions dans le territoire japonais (zone destinée aux étrangers où l’autorité japonaise n’a pas le droit d’intervenir). Il a rencontré l’illustrateur australien Nankivell, dessinateur en chef de ce magazine destiné au public étranger, et a appris de lui l’illustration caricaturale occidentale.
Après l’expérience au sein de « Box of Curious », il est pris comme manga-ka journaliste par le journal généraliste Jiji-Shinpô, créé par Yukichi Fukuzawa (homme politique et idéologue le plus influent de l’époque Meiji, qui figure sur le billet de 10 000 yen actuel). Il a fait beaucoup d’illustrations caricaturales dans Jiji-Shinpô, mais aussi de courts récits en plusieurs cases (la plupart en six cases mais il y a des variations au niveau du nombre) avec des personnages récurrents, sans s’écarter du point de vue satirique et journalistique.
Il est aussi connu comme le fondateur de « Tokyo Puck », revue entièrement dédiée aux illustrations caricaturales. Son style de dessin est un mélange d’illustrations occidentales et d’estampes. Il faut avouer que, pour moi, ses œuvres n’ont qu’une valeur de document historique et je ne m’amuse pas forcément en les lisant (l’humour a changé depuis !), mais nous pouvons observer dans ses œuvres des vignettes audacieuses dans la forme et l’ordre de lecture. Il ne faut pas oublier qu’il a reçu la légion d’honneur en 1929, lors de l’exposition de son travail à Paris (et à Londres).
Enfin, le premier manga-ka était un journaliste tandis qu’Eiichirô Oda (auteur de One Piece) n’en est nullement un, et que nous sommes très loin de Kitazawa au niveau du style de dessin, mais dans cent ans, le dessin de One Piece deviendra peut-être aussi archaïque que cela…
Merci pour cet article super intéressant !!
La vignette avec le sens de lecture circulaire est vraiment original !