Après Hayabusa (« faucon pèlerin »), première mission mondiale de récolte d’échantillon sur un astéroïde, une deuxième sonde japonaise s’est envolée début décembre 2014 à la recherche de la date de naissance du système solaire.

Infographie explicative de la mission Hayabusa 2 (© Adrien Leuci)
Infographie explicative de la mission Hayabusa 2 (© Adrien Leuci)

Arrivée au centre spatial de Tanegashima (au sud du Japon) le 22 septembre 2014, Hayabusa 2 a décollé le 3 décembre à bord d’une fusée de type H-IIA. Le lancement, prévu le 30 novembre, avait été reporté à deux reprises en raison de mauvaises conditions météorologiques. Dans un pays marqué par une fascination pour l’espace, les Japonais furent nombreux à se connecter pour regarder le décollage en direct ou, pour quelques centaines de chanceux, à faire le déplacement. Début mars 2015, la sonde est entrée en phase de croisière. À la fin de l’année, elle se rapprochera de la Terre pour prendre de la vitesse par assistance gravitationnelle, puis devrait atteindre l’astéroïde 1999 JU3 en juin ou juillet 2018. Elle sera alors à 2 unités astronomiques (ou 300 millions de kilomètres) de notre planète.

La leçon de l’aventure Hayabusa

Envoyée en 2003 à la découverte d’Itokawa, la sonde Hayabusa était revenue sur terre le 13 juin 2010 avec des grains prélevés à la surface de l’astéroïde. « Nous avons appris que la proportion des éléments qui composent Itokawa, astéroïde de type S, et les météorites de type LL est similaire, indique Sei-ichiro Watanabe, professeur à l’Université de Nagoya. Par ailleurs, nous savons désormais que sa surface a été influencée par le vent solaire et le rayonnement cosmique, des fragments souterrains ayant remplacé la roche extérieure, ce qui explique la différence entre les spectres de réflexion des astéroïdes de type S et des chondrites ordinaires. » Les scientifiques ont également pu estimer qu’Itokawa, pile de débris de 500 mètres, provient d’un corps céleste mère qui mesurait quant à lui plusieurs dizaines de kilomètres de long.

Mais le voyage ne fut pas de tout repos. Après les sérieux problèmes rencontrés par Hayabusa, notamment lors de la phase de récolte, les ingénieurs en ont tiré des enseignements pour l’élaboration de cette nouvelle sonde. « La propulsion est désormais assurée par un moteur ionique à longue durée de vie et l’orientation par quatre roues de réaction et non plus trois », explique Hitoshi Kuninaka, chef du projet Hayabusa 2 à l’Agence japonaise d’exploration spatiale (JAXA). Deux roues sur trois étaient en effet en panne avant l’atterrissage sur Itokawa.

Hayabusa 2 : à la recherche des origines du système solaire

Peu après l’arrivée de Hayabusa 2 à proximité de l’astéroïde commencera une première phase d’observation : 1999 JU3 sera scruté au moyen d’un imageur multibande, d’un spectromètre proche infrarouge et d’un imageur thermique. Les deux petits rovers MINERVA2 et l’atterrisseur MASCOT se poseront ensuite sur la surface, pour procéder à l’étude de la surface. L’astéroïde, de type C, contiendrait davantage d’éléments hydratés et organiques que les astéroïdes de type S comme Itokawa. L’exploration de ce corps céleste primitif permettra donc d’étudier les origines et l’évolution du système solaire.

Quelques mois plus tard viendra la dernière étape, exceptionnelle et inédite, de l’exploration. « Puisque nous avons découvert, après l’analyse des échantillons rapportés par Hayabusa, que les matériaux prélevés à la surface d’Itokawa étaient dénaturés suite à l’érosion spatiale, il s’agira de prélever des éléments frais, sous la surface », explique Hitoshi Kuninaka. Ce sera le rôle du nouveau module : le petit impacteur transportable. Ce système, une fois largué de la sonde, propulsera un « obus » de cuivre au moyen d’explosifs qui créera un cratère lors de son impact sur l’astéroïde. Avant l’explosion, la sonde se dirigera de l’autre côté du corps céleste pour se mettre à l’abri. « Cette manœuvre représente la principale difficulté puisque le temps de retraite sera limité », commente Hitoshi Kuninaka. Les équipes scientifiques observeront attentivement le cratère puis décideront de procéder (ou non) à l’atterrissage de la sonde et au prélèvement.

Chargée de multiples échantillons, la sonde quittera 1999 JU3 à la fin 2019 et reviendra sur Terre peu après les Jeux olympiques de Tokyo, en novembre ou décembre 2020. Après la moisson espérée de belles médailles, le Japon compte bien faire le plein de découvertes spatiales.

Le fruit d’une collaboration internationale

Les missions nippones de récolte de matériaux sur un astéroïde s’inscrivent dans un programme plus large d’exploration de corps célestes : Mars avec la sonde Nozomi, la Lune avec Kaguya ou encore Vénus avec Akatsuki. Les véhicules spatiaux Suisei puis Sakigake sont par ailleurs allés à la rencontre de la comète Halley dans les années 1980.

Hayabusa 2, dont le coût s’élève à 28,9 milliards de yens (200 millions d’euros), mobilise une trentaine d’employés de la JAXA et une vingtaine de collaborateurs. L’agence bénéficie aussi du soutien de la NASA et de son réseau de stations pour les communications avec l’espace lointain (Deep Space Net Work), de l’Allemagne et de la France, qui ont fourni l’atterrisseur MASCOT, et de l’Australie pour la capsule de retour.

Si la cible est différente (une comète pour l’une, un astéroïde pour l’autre), les missions Rosetta et Hayabusa 2 se complètent. « Les échanges entre la JAXA avec Hayabusa 2, l’ESA avec Rosetta et la NASA avec Osiris-Rex permettent d’approfondir nos connaissances », confie Sei-ichiro Watanabe. L’eau et les composés organiques ont-ils été apportés sur Terre par des comètes ou des astéroïdes ? Une collaboration entre les différentes agences internationales sera importante pour espérer résoudre efficacement cette grande question.

Jean-François Heimburger, journaliste

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