Les députés viennent de voter la loi sur les écoutes téléphoniques. Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : il s’agit de les rendre légales afin d’élargir le champ d’action de la police, et non de les interdire. D’où diverses controverses, à commencer par celle – cocasse, mais néanmoins révélatrice – qui tourne autour de la désignation de l’acte. Au grand dam du gouvernement, les médias le qualifient de tôchô (vol téléphonique), dédaignant la dénomination officielle et technocratique de bôju (écoute furtive). La passe d’armes sémantique – qui s’est soldée par une cuisante défaite du pouvoir conservateur – montre que, si le Japon de ce demi-siècle a joui d’une sécurité sans pareille, la défiance envers la police demeure. L’aspiration des Japonais à l’ordre n’a sans doute d’égal que le refus de l’arbitraire (registre dans lequel excella jadis la police secrète de triste mémoire). C’est cette tension qui donne vie au personnage de fiction peut-être le plus populaire de la décennie : nous voulons parler du jeune détective Mitsuhiko Asami, né de l’imagination du romancier Yasuo Uchida. Frère complexé d’un brillant haut fonctionnaire de la police, qu’il admire et aime sans jamais lui donner quitus, il cristallise en sa personne l’idéal de l’homme nippon, faible à bien des égards, mais intraitable face au leurre et à l’iniquité. Un conseil, donc, aux sénateurs qui auront à discuter la loi : avant de l’adopter, lisez, Messieurs, les cent volumes des aventures du timide Asami, ce Tintin nippon. Vous verrez alors que les Japonais acceptent beaucoup de choses, sauf d’être les dindons de la farce !
Kazuhiko Yatabe
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