Dans le cadre de Japonismes 2018, le palais de l’Élysée a prêté un vase au Musée du quai Branly – Jacques Chirac jusqu’au 3 septembre. Paraissant anodin, ce geste est pourtant symbolique tant la valeur de l’œuvre d’art est élevée. Retour sur son histoire.
Histoire d’un vase unique
À la demande de la présidence de la République, Pierre Soulages a créé en 2000 un vase pour la Manufacture nationale de Sèvres. C’est l’unique intervention de l’artiste dans le domaine de la céramique. Le vase est composé d’un corps, d’un pied et d’un couvercle et mesure 34,5 cm de diamètre pour 66 cm de hauteur. Strié noir et gris dans un dégradé, Soulages démontre encore ici des jeux subtils de lumières et d’ombres. On peut aussi voir un cercle en or pur de 24 carats chanfreiné sur la partie supérieure du vase, symbolisant un Soleil qui rayonne par lui même.
Les Japonais y voient une allusion au mythe de la déesse du Soleil, Amaterasu, qui est la protectrice qui figure sur le drapeau nippon sous la même forme. Le premier exemplaire sorti de la Manufacture est devenu trophée d’un tournoi de sumô au Japon, offert par le président Jacques Chirac, puis exposé en Espagne, en Grand-Bretagne et en Corée du Sud. L’œuvre a notamment reçu le prix du plus bel objet du Pavillon des Arts et du Design à Paris. Devant ce succès, la Manufacture de Sèvres décide, en accord avec l’artiste, de produire 10 exemplaires en 2008.
Bien que la série soit aujourd’hui épuisée, un exemplaire est conservé au Musée de Sèvres. Pour le lancement de Japonismes 2018, ce vase exceptionnel est actuellement en exposition au Musée du quai Branly – Jacques Chirac jusqu’au 3 septembre, prêté par le palais de l’Élysée.
Soulages, un artiste reconnu mondialement
Pierre Soulages, né le 24 décembre 1919 à Rodez dans l’Aveyron, est l’une des figures majeures de l’abstraction. Il est également un grand maître de « l’Outrenoir« fondé sur la réflexion de la lumière sur la surface du noir, seule couleur qui n’existe jamais dans l’absolu.
Soulages a réalisé, entre autres, 1 550 toiles et 104 vitraux pour l’Abbaye de Conques, dont la reconnaissance est aujourd’hui internationale. Ses œuvres sont achetées par des musées prestigieux dans le monde et au Japon, pays des arts monochromes avec sa calligraphie et sa peinture à l’encre sumi-e, qui apprécie particulièrement son univers d’obscure clarté. Se concentrer sur le noir lui permet de révéler des nuances infinies de luminosité dans le relief de la peinture. L’artiste déclare: « Je ne représente pas, je présente ».
Sans prédéfinir la finalité de ses créations, elles s’élaborent dans un mouvement perpétuel et dynamique avec des interactions entre l’artiste et l’œuvre. On peut constater dans son approche, l’importance de poser avec justesse un acte pour chaque moment de l’évolution de l’œuvre.
Un prix impérial
Après avoir obtenu le Grand prix de peinture de Paris, le Prix Rembrandt et le Grand prix national de peinture, Soulages a reçu en 1992 de la famille impériale du Japon et au nom de la Nihon Bijutsu Kyôkai (Association japonaise des beaux-arts) un Praemium impérial en hommage au Prince Takamatsu dans la catégorie peinture.
Ce prix récompense des contributions remarquables pour la promotion des arts et se veut l’équivalant du prix Nobel dans les cinq domaines que sont la peinture, la sculpture, l’architecture, la musique et le théâtre et/ou le cinéma.